Salman Rushdie sacré meilleur Booker Prize de tous les temps

[jimmyolsen]

Salman Rushdie est sans doute l'écrivain le plus controversé de la fin du siècle
L'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie a reçu hier à Londres le prix exceptionnel du meilleur Booker Prize de tous les temps, attribué à l'occasion du 40ème anniversaire de la récompense littéraire la plus prestigieuse du Commonwealth. Il obtient ainsi un troisième Booker Prize pour son roman Les Enfants de Minuit – déjà récompensé en 1981, année de sa publication, puis en 1993, par les lecteurs, à l'occasion des 25 ans du prix.

Cette fois-ci, 36% des quelque 8000 lecteurs du monde entier ayant participé au sondage l'on élu Best of the Booker, devant d'autres grands noms de la littérature anglophone, notamment deux lauréats du prix Nobel de Littérature, les sud-africains J.M. Coetzee et Nadine Gordiner. Une consécration pour l'écrivain sans doute le plus controversé de la fin du siècle, héraut de la littérature dite "postcoloniale" et de l'irrévérence religieuse.

Salman Rushdie s'inscrit dans une génération d'écrivains anglophones du Commonwealth dont l'écriture reste marquée par les stigmates de la colonisation britannique. Le sous-continent indien est en effet omniprésent au fil de sa plume : Les Enfants de Minuit est ainsi une fable symbolique contant le destin d'enfants nés le jour de l'Indépendance de l'Inde et du Pakistan, dans laquelle la petite histoire se lie aux fracas de la grande. Mais avant tout, c'est l'ombre de sa propre histoire qui plane dans chacun de ses romans, confrontant sans concession l'Orient et l'Occident, l'intolérance religieuse au libéralisme social.
L'écrivain est né à Bombay deux mois après l'Indépendance, au sein d'une famille musulmane bientôt chassée au Pakistan par la Partition de l'empire des Indes, en 1947. Installé à Londres depuis l'âge de 14 ans, il devient en 1981 le premier écrivain non britannique à recevoir le Booker prize. Mais sa stature internationale, Salman Rushdie la doit aux Versets Sataniques, publié en 1988, œuvre qui le propulse au cœur d'une polémique qui revêt le visage terrible du choc des civilisations.

Ce roman dresse une description jugée blasphématoire du prophète Mahomet qui mélange par exemple les "vers sataniques avec le divin". L'Inde, troisième pays musulman du monde, le banni immédiatement après sa parution, bientôt suivie par de nombreux pays musulmans. De multiples manifestations éclatent, au cours desquelles le livre est brûlé sur la place publique, d'Islamabad à Londres. La polémique atteint son point de non retour en 1989, lorsque l'Ayatollah Khomeini, guide de la révolution islamique iranienne, proclame une fatwa à l'encontre de Salman Rushdie, le condamnant à mort. L'écrivain entre alors dans la clandestinité, aidé par le gouvernement britannique, pendant près de 10 ans. Pour le monde occidental, Rushdie devient le symbole de la liberté d'expression. L'arrivée en 1997 du courant réformateur en Iran, mené par Mohammed Khatami, lui permet enfin de sortir de l'ombre.

Mais vingt ans après la publication des Versets Sataniques, la haine religieuse reste vive à l'égard de Salman Rushdie. En juin 2007, des manifestations ont encore éclaté en Iran et au Pakistan après qu'il a été anobli par la reine d'Angleterre. Ces deux pays ont d'ailleurs officiellement exigé le retrait du titre, tandis que les islamistes iraniens rappelaient que Rushdie reste toujours sous le coup de la fatwa.

Le Best of the Bookers décerné aux Enfants de minuit éloigne un instant Sir Rushdie de la controverse, redorant son image de romancier incontournable, à mi-chemin entre l'Asie du Sud et l'Occident, depuis longtemps ternie par le vacarme politique de la haine religieuse.