Kosovo : guerre des chefs au sommet de l’Église orthodoxe serbe

[thierry.F]

Samedi 23 août, des moines du monastère de Visoki Dečani, dans l’ouest du Kosovo, ont physiquement expulsé le secrétaire personnel de l’évêque de Raška et de Prizren, Mgr Artemije. L’évêque Artemije était venu en personne au monastère afin de rabrouer personnellement son propre auxiliaire, l’évêque Teodosije de Lipljan, qu’il accuse de « vivre dans la désobéissance à son supérieur ».
Si l’évêque Artemije reproche depuis longtemps à son rival Teodosije, higoumène de Dečani, de diriger une « Église parallèle », les tensions se sont ravivées à Dečani lorsque les dirigeants de l’Église orthodoxe ont fait savoir qu’elles comptaient soutenir la position de l’évêque Artemije.
Dimanche 24 août, les accusations réciproques des deux évêques se sont succédées sur les principales chaînes de télévision serbe. L’évêque Artemije est allé jusqu’à accuser les moines de Dečani d’avoir « brutalement cassé la jambe de son secrétaire », mais la station de radio serbe locale KiM a révélé plus tard que le secrétaire n’avait été blessé qu’à un orteil.
L’évêque Teodosije, de son côté, a accusé Artemije « d’agir contre les saints canons et les règles de l’Église ». « L’Assemblée de tous les évêques [de l’Église orthodoxe serbe] m’a nommé à ce poste : eux seuls ont le pouvoir de me remplacer », a rappelé Teodosije.
L’autorité suprême de l’Église, le Saint Synode, a convoqué les deux évêques pour une rencontre prévue mardi 26 août. Le Synode a également accusé Artemije de posséder trois maisons à Belgrade, ainsi que des actions dans une entreprise de construction, ce qui va à l’encontre du règlement de l’Église.
Le Synode a également déclaré que l’irruption d’Artemije à Decani n’avait pas été un geste réfléchi. Mais Artemije ne partage bien sûr pas ce point de vue. « La situation de double autorité dans le diocèse du Kosovo doit cesser. Pour ce faire, nous avons longuement réfléchi avant de prendre notre décision, laquelle a entraîné une mutinerie ouverte à Dečani », a déclaré l’évêque.
Une source anonyme au sein de l’Église orthodoxe reconnaît que toute cette histoire avait pour origine la mésentente entre Artemije et le Saint Synode des évêques. « Artemije a publiquement rejeté et critiqué des décisions des autorités cléricales suprêmes. Alors qu’Artemije refuse, ’au nom de la patrie’, toute coopération avec la communauté internationale, bien que l’Église lui ait demandé de rechercher des fonds auprès des institutions internationales pour restaurer des sites religieux, Teodosije, au contraire, applique les décisions de l’Assemblée et lutte pour la conservation des lieux de culte et l’amélioration des conditions de vie des Serbes qui sont demeurés au Kosovo », explique cette source.
L’évêque Artemije, qui est responsable du diocèse du Kosovo, est bien connu pour ses déclarations très dures. Il rejette complètement toute coopération avec la communauté internationale, de même qu’avec les autorités albanaises du Kosovo, surtout depuis les émeutes de mars 2004.
Suite à la proclamation de l’indépendance du Kosovo, en février 2008, il a interdit à ses subordonnés tout contact avec des personnes venant de pays ayant reconnu le Kosovo.
Son auxiliaire, l’évêque Teodosije, a été chargé par le direction de l’Église à Belgrade de restaurer les lieux de culte endommagés ou détruits au Kosovo, en coopération avec la communauté internationale et des équipes locales kosovares.
L’autorité suprême de l’Église orthodoxe serbe, le Saint Synode, s’est entendue en mai dernier avec la mission des Nations Unies au Kosovo pour relancer le programme de reconstruction. L’évêque Artemije avait arrêté ce programme en 2007.