LE PARTI EXTREMISTE BULGARE ATAKA
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LE PARTI EXTREMISTE BULGARE ATAKA
Le parti bulgare Ataka est une énigme. Deux semaines avant les élections législatives de 2005, rares étaient ceux qui en avaient entendu parler, or une fois entré au Parlement, il s’est fait très visible. Il a trouvé les ressources financières pour faire paraître un quotidien national alors que les partis de droite proeuropéens ne peuvent se permettre que des hebdomadaires d’une vingtaine de pages. Mais surtout il est devenu un acteur politique incontournable. La rumeur veut que ce parti soit financé par Lukoil et Gazprom, aux côtés d’hommes d’affaires bulgares qui ont intérêt à ce que l’économie grise continue à fleurir. Ce qui n’empêche pas Volen Siderov, le leader charismatique d’Ataka, et son beau-fils et député européen Dimiteur Stoyanov, de passer pour des champions de l’intérêt national et de la lutte contre la corruption.
Il faut avoir à l’esprit l’apparition en 1990 du Comité pour la sauvegarde des intérêts nationaux, qui s’oppose à la restitution aux Bulgares turcophones de leurs noms d’origine, une mesure du premier gouvernement socialiste. L’actuel président Peurvanov était membre du Comité qui fait partie des fondateurs d’Ataka. L’Union nationale bulgare en est un autre membre fondateur. Elle est dirigée par un jeune homme qui se fait appeler Boyan Rasate, et ses militants font penser à des skinheads aux déclarations racistes, mais qui se livrent rarement à des pogroms ou des intimidations, contrairement à leurs homologues de Russie par exemple. Enfin et surtout, les sympathisants du journal nationaliste d’extrême-gauche Nova zora (La nouvelle aurore) formaient jusqu’à la fin du mois d’août 2005 le noyau dur des fondateurs et des partisans de la Coalition Ataka, dont le parti Ataka n’était qu’une composante, jusqu’à ce qu’une rupture en été 2005 ne conduise à la création du parti Nova zora.
Il faut aussi mentionner le député Pavel Tchernev, un homme au physique et au comportement d’un videur de boîte de nuit et transfuge du parti VMRO (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne) de Krasimir Karakatchanov, ainsi que Stela Bankova, ancienne députée monarchiste. L’autre homme fort du parti après V. Siderov, Peter Beron, est un ancien leader de la droite anticommuniste qui a été exclu de l’Union des Forces Démocratiques (SDS ) - avec le parti Démocrates pour une Bulgarie Forte (DSB) d’Ivan Kostov le principal parti de droite anticommuniste - pour des soupçons de collaboration avec les services de renseignement communistes. Étant charismatique et d’un tempérament indépendant, il devint un concurrent de V. Siderov au premier tour du scrutin présidentiel de 2006, alors qu’il appartenait à son parti jusqu’à l’automne 2006.
Selon le politologue Anthony Todorov, une partie des personnalités de la coalition Ataka est issue des organisations des anciens membres des services de renseignement, inquiets de l’influence étrangère en Bulgarie post-communiste et revendiquant une plus grande autonomie des décisions nationales surtout en matière de politique étrangère et de défense nationale. Toujours selon le même auteur, d’autres figures viennent des milieux nationalistes et font partie de l’ancien PC. Ce qui choque d’emblée, c’est le rapprochement entre communisme et nationalisme, que peu d’observateurs étrangers font.
Ataka a été le nom d’un journal antisémite fondé en 1932 à Sofia. Le titre est directement repris de celui du journal berlinois Der Angriff (L’Attaque) fondé par Joseph Goebbels en 1927. Les deux tendances d’un nouveau «national-socialisme» se retrouvent dans les premières déclarations de V. Siderov au lendemain des élections législatives de 2005. Interrogé sur la présence d’anciens membres des services secrets communistes dans son parti, il a répondu qu’il était temps de tourner la page et de se consacrer aux problèmes du présent. Cela ne l’empêche pas d’éliminer les membres qu’il juge trop proches de l’ancien parti communiste et pas suffisamment loyaux envers sa personne. La rupture officielle avec le cercle Nova zora intervient dès le 30 août 2005, alors que quelques mois auparavant, le journal était le seul média écrit à ouvrir ses pages à la propagande de D. Siderov.
Dès le 22 août 2005, la coalition Ataka et le parti Ataka décident de travailler séparément. Néanmoins, D. Siderov est sorti vainqueur de cette défection, de même que de celle de la députée Stela Bankova, ancienne députée de Simeon Sakskoburggotski, et de celle de Peter Manolov, premier député à avoir quitté le parti au moment de la procédure d’investissement du nouveau gouvernement (il a soutenu le programme gouvernemental du PSB , le Parti socialiste ex-communiste) et du Mouvement des Droits et Libertés (DPS). Chaque fois qu’un député quitte le parti, comme c’est le cas avec l’exclusion de Pavel Tchernev, accusé par le leader charismatique d’avoir menti à la police à propos d’une bagarre aux abords d’une autoroute, V. Siderov s’affirme comme cet homme fort dont une partie de l’électorat bulgare semble avoir besoin. Son immunité parlementaire a été suspendue mais sa popularité n’en continue pas moins de croître, surtout depuis qu’il évite toute rhétorique ouvertement raciste dans ses discours.
Les raisons conjoncturelles de ce succès ont déjà fait l’objet de nombreuses explications. V. Siderov a fait des études de théologie pour se retrouver photographe de la milice communiste à la fin des années 1980. De simple photographe sans aucune expérience littéraire ou journalistique, il est propulsé rédacteur en chef du journal d’opposition anticommuniste Demokratsiya..
Ce parcours n’est atypique qu’à première vue, dans un pays où les paradoxes de ce genre sont courants. En effet, toute la «transition démocratique» bulgare peut être envisagée comme une longue course à la restauration des élites communistes. Celle-ci se réalise une première fois entre le 18 décembre 1994 et les élections législatives anticipées de 1997. Entre 2001 et 2005, le gouvernement de Simeon Sakskoburggotski permet le retour d’une partie des élites «rouges» écartées par Ivan Kostov et Peter Stoyanov, les deux leaders de la droite anticommuniste. En réalité, le BSP a toujours eu besoin d’un cheval de Troie pour décrédibiliser la droite, comme le pitre George Gantchev par exemple, autrefois candidat à la présidentielle, et d’un ou plusieurs partis cryptocommunistes, afin de parvenir à la restauration de ses élites, comme c’est le cas actuellement. Ce rôle est joué dans un premier temps par le Mouvement des Droits et Libertés (DPS), parti représentant soi-disant les intérêts de la communauté turque, qui forme un gouvernement avec la droite anticommuniste en octobre 1991 pour contribuer à sa chute dès octobre 1992. Selon la commission des archives présidée par Metodi Andreev sous le gouvernement Kostov, c’est dans les rangs du DPS que le nombre d’anciens membres des services de renseignement communistes est le plus élevé (plus élevé encore que dans les rangs du PSB). Ataka sert à diaboliser la droite, et à présenter le PSB à l’électorat comme étant sans alternative. À qui profite le mythe de l’alignement à droite d’Ataka? Sans doute au PSB, à qui il permet de présenter un tableau déformé de la politique de droite… en attendant que les gens choisissent la gauche par fatalité.
thierry.F- Nombre de messages : 138
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