LA SERBIE ET L'ACCORD DE STABILISATION ET D'ASSOCIATION
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LA SERBIE ET L'ACCORD DE STABILISATION ET D'ASSOCIATION
Le 29 avril 2008, les autorités serbes ont signé un Accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’UE. Pour être mis en application, cet accord est toutefois soumis à une condition, une pleine coopération avec le TPIY. Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine, qui pourrait signer son ASA le 16 juin, doit encore progresser dans la mise en place de réformes jugées inévitables par Bruxelles pour un tel accord.
Après un début d’année bousculé par l’actualité nationale avec entre autres la réélection à l’arrachée du Président pro-européen Boris Tadić et les émeutes qui ont suivi la déclaration d’indépendance du Kosovo, la signature d’un Accord de stabilisation et d’association (ASA) tombe à point nommé pour redonner à la Serbie une perspective européenne.
Non seulement le Parti démocratique (DS) et la coalition pro-européenne ont remporté les élections législatives du 11 mai dernier, mais le Président Tadić a pu signer le 29 avril un véritable Accord de stabilisation et d’association avec l’UE.
Un refus d’accord politique payant
Et pourtant, pour arriver à ce résultat, la République de Serbie a dû franchir un obstacle de taille : la proposition d’un simple accord politique. Cet accord n’était même pas un succédané, pire, un palliatif, inférieur quant à son importance et à son contenu aux Accords de stabilisation et d’association traditionnellement prévus et expressément conçus pour les pays des Balkans occidentaux. La stratégie du refus de signer cet accord politique s’est avérée payante, car elle a permis de surmonter quelques réticences et de faire obtenir in fine à la Serbie un véritable Accord de stabilisation et d’association.
Les autorités serbes ont pendant longtemps pointé du doigt l’exemple de la Croatie qui était parvenue à signer son ASA le 5 octobre 2005, avant la capture du criminel de guerre Ante Gotovina aux îles Baléares le 8 décembre de la même année. Faut-il donc penser que dans deux mois MM. Mladić et Karadžić, ainsi que deux autres criminels de guerre serbes encore en fuite, seront traqués et enfin conduits devant la justice internationale ?
Les pays de l’UE n’étant pas dupes, en particulier la Belgique et les Pays-Bas qui ont toujours insisté sur la nécessité d’une coopération de la Serbie avec le TPIY, ont empêché que l’accord, bien que signé, puisse entrer en vigueur avant que la condition de la coopération ne soit pleinement respectée.
Première leçon : signer n’est pas appliquer
La première leçon à tirer du Conseil Affaires générales et Relations extérieures (CAGRE) de l’Union européenne est que bien que tout accord international soit le fruit avant tout d’une négociation « politique », leur mise en pratique est le résultat de la rencontre des différentes volontés des parties contractantes. L’imposition de la part de l’UE du principe de conditionnalité aux pays de la région des Balkans à partir de 1996, sous ses différents aspects et au fur et à mesure de l’évolution de la coopération entre l’État signataire et Bruxelles, est un gage de sécurité et doit par conséquent être pris en considération.
Ainsi, pour la République de Serbie, dont les criminels de guerre sont toujours en fuite, la condition requise pour mettre en application l’ASA est une coopération totale avec le Tribunal pénal international de La Haye (TPIY). Le principe de conditionnalité s’appliquait également à la Croatie qui en 2005, à l’époque de la signature de l’ASA, avait informé de la fuite à l’étranger de M. Gotovina et avait garanti que les services secrets croates, en collaboration avec ceux de l’UE, œuvraient à sa capture. L’arrestation aux Baléares du fugitif quelques mois après la signature de l’accord, en coopération avec la police espagnole, répondait aux conditions fixées par l’UE.
Concernant la Serbie, les avis du procureur du TPIY sur l’état de la coopération des autorités serbes dans ce domaine ont toujours été négatifs. D’où la nécessité de bien respecter les conditions posées par Bruxelles. Ainsi, les autorités bosniennes doivent bien prendre en considération les conditions à la signature et à l’application d’un ASA. Ces dernières s’y sont attelées à leur rythme, progressivement, après maintes recommandations de la part des institutions européennes et de la communauté internationale. Le 16 avril dernier, la Bosnie a enfin adopté la réforme de la police, une des quatre conditions imposées au pays par l’UE pour la signature d’un Accord de stabilisation et d’association. Les trois autres conditions qui restent à respecter sont : l’adoption de réformes dans les secteurs du système judiciaire, de la télévision et du système de radiodiffusion, et enfin de l’administration publique.
Étant donné le temps que prennent généralement les négociations et l’application des décisions prises par le système politique complexe issu des accords de Dayton, il n’est pas certain que la Bosnie-Herzégovine soit prête pour le prochain rendez-vous du 16 juin pour la signature de l’ASA. Toutefois, si Bruxelles estime que les conditions posées ont été respectées, elle pourra bénéficier, à la différence de la Serbie, après la signature officielle et une fois la procédure de ratification effectuée par les différents Parlements des États membres, d’une pleine application de l’ASA.
Deuxième leçon : la Bosnie peut devancer la Serbie
Deuxième leçon à tirer du Conseil du 29 avril : il n’est pas dit que la Serbie soit en meilleure position que la Bosnie-Herzégovine sur la longue route qui mène à l’adhésion aux institutions de l’UE. En effet, l’ASA signé par la Serbie reste en suspens alors que si la Bosnie-Herzégovine signe le sien dans un mois ce sera une signature sans conditions.
La Présidence slovène au secours de la Serbie ?
Pour finir, il semble que les autorités slovènes voudraient avant la fin de leur semestre de Présidence de l’UE adoucir la conditionnalité envers la Serbie en vue de l’application de l’ASA. Si elles y parviennent, ce serait une victoire d’envergure de la part de la diplomatie slovène auprès de ses voisins de l’ex-Yougoslavie. L’application de l’ASA pourrait permettre de concéder à la Serbie le statut de pays candidat à l’adhésion à l’UE. Là-dessus, il faudrait rappeler que, bien que par le passé la présidence de l’UE eût été occupée par un pays géographiquement proche des Balkans occidentaux, l’Autriche, lors du premier semestre de 2006, et qu’elle ait remporté des résultats importants concernant le processus d’intégration européenne, il lui fallait encore recueillir l’accord de tous les pays de l’UE. De plus l’ASA a une double dimension, celle de répondre aux besoins spécifiques du pays concerné et celle d’installer un cadre unique, à savoir le Processus de stabilisation et d’association (PSA). Ce processus est censé être identique pour tous les pays signataires car s’ensuit logiquement après la désignation de « candidat officiel » à l’UE.
Troisième leçon : le prochain gouvernement serbe devra continuer à coopérer
Troisième leçon à tirer du Conseil du 29 avril : on ne peut pas contraindre un pays tiers à faire quelques chose qu’il ne désire pas.
Or, bien que les élections législatives du 11 mai dernier aient été remportées par le parti pro-européen de Boris Tadić, le véritable penchant européen du futur gouvernement serbe se mesurera à sa disponibilité à coopérer avec l’UE, mission Eulex au Kosovo comprise, et à sa volonté de respecter la conditionnalité imposée pour progresser sur la voie de l’intégration européenne.
jimmyolsen- Admin
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