La Russie au secours de l'Islande
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La Russie au secours de l'Islande
La Russie a accepté d'aider l'Islande, ce petit Etat insulaire, en lui accordant en urgence un immense prêt visant à stabiliser sa monnaie, et ce, à un taux d'intérêt incroyablement bas. Dans quel but? S'agit-il d'un acte de générosité absurde ou d'une démarche géopolitique clairvoyante? Et que représentent réellement 4 milliards d'euros? Est-ce beaucoup ou peu?
Tout récemment encore, les Russes n'étaient pas du tout préoccupés par le sort de l'Islande. A présent, tout le monde parle de la somme exorbitante que "l'îlot de stabilité" est prêt à investir dans l'économie de l'île des geysers en train de sombrer.
Or, l'Europe examine le thème islandais depuis longtemps déjà. Ce pays, un modèle exemplaire de règlement économique libéral et un parfait exemple d'économie dynamique, a été le premier au monde à être confronté à une véritable crise économique. Depuis le début de l'année, la monnaie islandaise, la couronne, a perdu un tiers de sa valeur par rapport à l'euro. Les principales banques islandaises - Kaupthing, Glitnir et Landsbanki - ont été victimes d'attaques de la part des spéculateurs financiers internationaux. Fin septembre, les autorités islandaises ont racheté (= nationalisé) la banque Glitnir, le 7 octobre, Landsbanki a connu un sort identique, et la banque Kaupthing a obtenu le même jour un crédit de 500 millions d'euros de la Banque centrale d'Islande. A l'automne 2008, il est devenu évident que l'Islande pourrait être le premier pays au monde que l'actuelle crise mondiale mènerait à un défaut de paiement.
Pourquoi la bulle économique islandaise éclate-t-elle avec un tel fracas? Car sa croissance a été trop rapide, estime-t-on au FMI. Entre 2003 et 2007, le produit intérieur brut (PIB) du pays s'est accru de 25%, et cette croissance énergique a essentiellement eu lieu grâce à des emprunts extérieurs. Afin d'attirer les investissements étrangers, les autorités du pays ont renforcé la monnaie nationale et trop augmenté les taux d'intérêts (début 2008, ils étaient les plus élevés d'Europe, se chiffrant à 15,5%). Par conséquent, cela a créé un énorme déséquilibre: un modeste PIB, d'une part, et des actifs financiers colossaux accompagnés d'épouvantables dettes, de l'autre. Fin 2007, le PIB islandais ne représentait que 16 milliards de dollars, les actifs du secteur financier - 1.000% du PIB, et la dette extérieure - 550% du PIB.
Etant donné l'état de crise dans lequel se trouve l'Islande, qui frôle le défaut de paiement, l'octroi d'urgence d'un prêt d'un montant de 4 milliards d'euros par la Russie (le 7 octobre dans la soirée, le ministre russe des Finances Alexeï Koudrine a fini par avouer que la Russie avait accepté d'accorder ce crédit, bien qu'auparavant, il ait démenti les déclarations en ce sens de la Banque centrale d'Islande) représente une véritable "bouée de sauvetage". Et une bouée très solide. En effet, en mai 2008, alors que l'Islande était déjà en pleine période de dégradation, les banques centrales des trois pays scandinaves - la Suède, la Norvège et le Danemark - ont créé un fonds spécial, d'un montant de 2,3 milliards de dollars, destiné à soutenir d'urgence la monnaie islandaise. A l'heure actuelle, la Russie est la seule à se dire prête à accorder à l'Islande, pour les mêmes raisons, un crédit 2 fois et demie plus important. 4 milliards d'euros représentent une somme colossale pour l'Islande.
Et pour la Russie également. Qui plus est, le taux d'intérêt est très avantageux [pour l'Islande]. A en croire l'annonce de la Banque centrale d'Islande, la Russie lui a promis un emprunt avec un taux d'intérêt calculé sur une base LIBOR+ (0,3-0,5%). Pour comparaison: la Banque centrale russe accordera des prêts à [la banque russe] Vnesheconombank sur une base LIBOR+1%. Dans une situation où les autorités russes convoquent presque quotidiennement des réunions extraordinaires pour élaborer des mesures d'urgence, cela peut paraître étrange. On devrait plutôt songer à sauver sa propre peau au lieu d'octroyer des crédits à des conditions favorables, dirait un simple bourgeois - mais il n'aurait pas tout à fait raison.
Il existe au moins quelques raisons pour lesquelles la Russie devrait accepter d'accorder ce crédit à l'Islande.
La première et la principale, c'est la raison géoéconomique.
Les leaders de différents pays commencent petit à petit à se rendre compte du fait que c'est uniquement en conjuguant leurs efforts qu'ils pourront sauver le monde qui est en train de sombrer dans une crise financière. Ce thème fut récurrent lors de la conférence de trois jours consacrée aux problèmes de la politique mondiale qui vient de se tenir à Evian. Il sera également soulevé lors de la réunion annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale qui débutera le 11 octobre prochain. Pour mémoire, rappelons que le président de la BM, Robert B. Zoellick, a déjà proposé d'élargir le G8 en y incluant les pays du BRIC (composé du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine), le Mexique, l'Arabie Saoudite et l'Afrique du Sud. Les leaders mondiaux parlent de plus en plus souvent de la nécessité d'oublier pour un certain temps les ambitions personnelles et d'arrêter les querelles politiques. Il est grand temps de passer à l'action.
Pour la Russie, venir en aide à l'Islande à un moment pareil est une décision dictée par une dure nécessité. La Russie possède actuellement des réserves cumulées durant la période où les cours du pétrole étaient extrêmement élevés. Les réserves de change de la Banque centrale se chiffraient fin septembre à 566 milliards de dollars, auxquels viennent encore s'ajouter plus de 32 milliards de dollars amassés par le Fonds pour le bien-être national et le Fonds de réserve. Certes, on pourrait, en s'enfermant sur son "îlot de stabilité", se concentrer sur la lutte anticrise à l'intérieur du pays. Mais dans ce cas, la Russie risquerait de découvrir soudainement que la tempête financière mondiale, qui sévit encore plus durement à cause notamment de "l'ouragan" en Islande, a dévalorisé toutes ses réserves.
Car les nombreux créanciers de l'Islande, qui lui ont octroyé des prêts colossaux, sont majoritairement des banques européennes. Si l'Islande se retrouve en défaut de paiement, l'ensemble de l'Europe se renversera, en entraînant la Russie dans l'abîme, alors que celle-ci a encore une chance de se sortir de la crise avec des pertes réduites. Ainsi, en portant secours à l'Islande, la Russie se sauve elle-même.
Il existe également des raisons moins globales et purement pragmatiques.
Toutes les crises prennent fin tôt ou tard. Et les alliés, eux, restent (parfois). L'Islande, par exemple, dont le développement rapide a profité aux entrepreneurs de différents pays européens, se montrera sans doute davantage bienveillante envers les investissements russes après un tel geste. Pour l'instant, les échanges commerciaux russo-islandais se chiffrent à environ 100 millions de dollars par an. Les entreprises russes (en la personne de Roman Abramovitch et d'Oleg Deripaska) ont manifesté leur intérêt envers les possibilités d'investissement dans ce pays peu avant la crise. A l'heure actuelle, le prix d'entrée dans l'économie islandaise pourrait s'avérer relativement bas.
thierry.F- Nombre de messages : 138
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Date d'inscription : 10/09/2008
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