Les Thugs : le cinéma, Indiana Jones et… l’Histoire

[jimmyolsen]

Les Thugs font partie de ces mystères de l’Inde qui font fantasmer l’Occident. Caricaturés au cinéma sous les traits de tueurs sadiques, leur histoire reste trouble. La sortie du nouveau Indiana Jones sur les écrans est l’occasion de revenir sur sa rencontre avec ces tueurs méconnus.

"Il y avait une caste, autrefois, qui parcourait l'Inde dans le but de fournir au Dieu des sacrifices humains. Ils vous attrapaient sur la route, vous emmenaient devant un autel, et vous serraient le cou avec un lacet"- Henri Michaux, "Un barbare en Asie"

Indiana Jones et le Temple maudit, le second opus de la saga Indiana Jones, se déroule en Inde, en 1935. Le célèbre aventurier atterrit par hasard en plein milieu de la jungle après un saut mémorable en canot pneumatique. Il trouve refuge dans un village très pauvre, soumis au joug du maharaja de Pankot, qui a enlevé les enfants du village et volé le Shiva lingam, une pierre sacrée qui assurait la prospérité de la communauté. Ni une, ni deux, le héros incarné par Harrison Ford (re)part à l'aventure.

En situant son action en Inde, Indiana Jones et le Temple Maudit s'inscrit dans une longue lignée de films d'aventures se déroulant dans le sous-continent, dans lesquels des aventuriers affrontent des adversaires mystérieux, redoutables et cruels. Gunga Din, par exemple, un film de Georges Stevens inspiré d'un poème de Rudyard Kipling. Trois soldats anglais et un porteur d'eau indien y font face à la cruauté des Thugs, une secte d'assassins étrangleurs qui tuent au nom de la déesse Kali. Trente ans plus tard, en 1969, Terrence Fisher s'en inspire à son tour dans Les étrangleurs de Bombay. Les Thugs y sont devenus des tueurs sadiques, qui mutilent froidement leurs victimes.

Indiana Jones lui aussi fait face à des tueurs inspirés des Thugs. Mais sous la caméra de Steven Spielberg, ils ont bien changé. Ils sont devenus esclavagistes, pratiquent la magie noire et le sacrifice humain. Une vision sans rapport avec la réalité historique : le réalisateur américain joue du fantasme occidental pour ces "tueurs sanguinaires". Nous sommes dans les années 80 ; qu'y a-t-il à l'époque de plus antipathique pour les spectateurs que des méchants qui retiennent en esclavage des enfants ? Mais cela ne nous éclaire pas sur les Thugs, qui restent auréolés de mystère.

La légende raconte que c'est Kali, la déesse mère créatrice et destructrice, qui leur donna naissance. Historiquement, les premiers témoignages de l'existence de cette confrérie remontent au 13ème siècle. Elle aurait été constituée de bandits de grand chemin réunis en bande, hindous et musulmans, qui détroussaient et tuaient les voyageurs. Ils avaient l'habitude de se faire passer pour des marchand ou des pèlerins, et de gagner la confiance des voyageurs avant de les assassiner. Leur nom vient peut-être de là : le terme thug dérive en effet de la racine sanskrite sthag, qui signifie "tromper", "dérober". Leurs croyances leur interdisant de faire couler le sang, ils étranglaient leurs victimes par surprise avec le roomal, un morceau de tissu à nœud coulant.

Bien que les Thugs prennent bien soin de ne pas s'attaquer aux Occidentaux, par peur des représailles, c'est un colonel anglais qui va mettre fin à leurs agissements. W. Sleeman lance en 1826 une gigantesque opération policière qui s'achèvera près de trente ans plus tard. Plus de 3000 personnes sont arrêtées, des centaines sont forcées aux aveux puis exécutés ou déportées. Il y a donc peu de chances qu'Indiana Jones fasse leur rencontre en… 1935. A part, peut-être, dans la langue de Shakespeare : aujourd'hui encore, le mot thug signifie "voyou".